Ecrire l'histoire du pays du Premier Soleil est très délicat car les éléments dont nous disposons ont surtout été transmis par la tradition orale et certains faits ont pu être altérés au cours de ces longues années. Il faut savoir aussi que pour un érudit novadi, l'historiographie ne saurait être dissociée de la religion et depuis plus de 200 ans, les vieilles traditions ont été soigneusement arrangées pour répondre aux besoins de la dogmatique rastulléenne.
Pour ce qui concerne la plus haute antiquité, l'ensemble des événements datant de 3 500 à 4 000 ans, on ne peut de toute façon partir que des vieux contes tulamides.
"Au commencement, il n'y avait pas encore d'Humains. Le monde était un jardin et le désert n'existait pas. Les serpents et les tortues habitaient le pays. Parmi eux, les plus puissants étaient les sultans des Echx, ils étaient dotés d'une force immense, étaient très rusés et possédaient des pouvoirs magiques inconcevables. Leur empire se situait au bord de la Mer Verte, ainsi que leur ville qu'ils appelaient Zze Tha. L'empereur-dragon régnait sur toute chose, son pouvoir était de nature divine. Tous les Echx se jetaient à plat ventre devant son corps couvert d'écailles en or. Ils avaient des dieux étrangers qui ,comme eux, avaient des corps de reptiles."
(extrait du conte La fondation de Fasar)
"Il y a très longtemps, le sage et puissant géant A'Dawati décida de créer les Humains. Avec la terre glaise du Gadang, il façonna Zulhamid, le premier homme, et Zulhamin, la première femme (…)
Les descendants de Zulhamid et Zulhamin vivaient dans les vallées étroites et inaccessibles de ces montagnes qu'on appelait la "colonne vertébrale du monde". Ils ne fortifiaient pas leurs villes et ne maîtrisaient pas le feu, ils ne connaissaient ni l'art de l'agriculture, ni celui de l'écriture. Ils se cachaient tout le jour et seulement la nuit, à la lumière de Madamal, ils descendaient la vallée pour aller dérober de quoi manger.
Les Humains étaient donc craintifs : s'ils posaient le pied dans les vallées fertiles, les princes echx, sur leurs cruelles montures, les poursuivaient et les massacraient."
(extrait du conte Zulhamid et Zulhamin)
"Alors survint la Création : la terre tremblait le jour et la nuit. Les astres ne suivaient plus leur trajectoire habituelle. Des flammes dévoraient le ciel et la terre. Les Humains et les animaux devenaient fous. Ce chaos dura plusieurs années mais le calme revint et une nouvelle ère commença.
Le Dragon doré de Zze Tha disparut. Ses Leviatanim, sombrant dans la démence, s'entre-tuèrent. Les Humains, au contraire, croissaient en nombre et en force. Pour la première fois, à la faveur de la nuit et du froid, ils osèrent s'attaquer aux puissants Echx, la ruse et l'habileté l'emportèrent sur la force et la violence.
Les Humains avançaient toujours plus loin dans la plaine et occupèrent le pays. Ils donnèrent le nom de Fasar à leur premier village fortifié, tout près du "repos des dieux". C'est là qu'ils choisirent le plus sage d'entre eux comme "cheik-al-cheik", le chef de tous les Tulamides. Son nom était Rashtul."
(extrait du conte Rashtul)
Chez les Elfes ou les Nains, d'autres sources confirment ces "années du Chaos" qui se seraient déroulées aux alentours de –3100. Dans le Massif de Raschtoul, des Nains rencontrèrent les Tulamides et leur enseignèrent l'art de la forge. Fasar, la 1e ville des Tulamides, fut fondée en –3042 alors que ce peuple commençait à s'installer dans le Mhanadistan.
Les premiers documents écrits qu'on a pu conserver dateraient de l'époque de Rashtul. A les croire, ce personnage, choisi comme "cheik-al-cheik" vers –3000, était certainement un homme remarquable. C'est Rashtul qui a battu pour la première fois une armée de Marus et d'Echx au cours d'une bataille sur le Mhanadi. D'après un vieux conte, il a dompté le premier chameau. Il a conduit son peuple dans la très fertile vallée du Bas-Mhanadi et y fonda la ville qui porte son nom, probablement en -2984. Il a surtout conclu un traité de paix avec les Echx de Yash'hualay, à l'embouchure du Mhanadi, et leur jura de les laisser en paix. Ainsi les Humains cohabitèrent avec des Echx pacifiques et apprirent grâce à eux la technique de la riziculture, l'art de la médecine et bien d'autres choses. Sous le règne de Rashtul, les pauvres pâtres des montagnes et les pillards étaient devenus des paysans prospères.
Les contes prêtent à Rashtul une existence de 306 ans. Pour expliquer cette longévité, ils font allusion à des rites secrets, capables d'allonger la durée de la vie, que le Tulamide aurait appris au contact des Echx de Yash'hualay.
Le fils de Rashtul, Bastrabun, fut celui qui accomplit l'expulsion des Echx au service de H'ranga. Il vécut et régna dans la ville de Mherwed, à la porte du Khom. Ce désert avait gagné du terrain : où s'étendaient autrefois des jardins luxuriants et des marécages étouffants ne règne plus que l'aridité, à la place d'une grande baie ne se trouve plus qu'un petit lac desséché plein de sel. Les Leviatanim étaient si sauvages et agressifs que leur fureur les avait conduits à se livrer des combats insensés les uns contre les autres.
Bastrabun put ainsi remporter la victoire au terme de combats longs et sanglants. A dos de chameau, son armée massacra la plupart des Echx et chassa les survivants : à l'ouest jusqu'au lac Harodrol, au sud jusqu'à H'Rabaal et les marécages du Mysob. Le long des marécages echx, il traça une ligne magique que nous connaissons encore aujourd'hui sous le nom de "Ban de Bastrabun". Les anciennes bornes frontalières qui marquent la limite des marécages echx possèdent des caractères à peine lisibles qui portent encore ce nom. Aux derniers Echx qui vivaient au bord du Mhanadi, de l'Ongalo ou de la Thalusim, Bastrabun leur accorda pour tout refuge l'île de l'est alors inhabitée. Il ordonna en outre qu'aucun Tulamide ne pourrait à l'avenir pénétrer sur cette île. C'est ainsi que les Echx, les Cracons et les Marus quittèrent Yash'hualay pour rejoindre par la mer leur nouvelle patrie qui reçut le nom de Marustan.
En –2750, Bastrabun se fit honorer des Tulamides avec le titre de sultan et inaugura sa nouvelle capitale de Khunchom, fondée sur les ruines de l'ancienne Yash'hualay. De là, il régna longtemps et sagement. A sa mort, son territoire s'étendait de l'extrême sud à Anchopal au nord.
Au cours des siècles suivants, l'empire des Tulamides prospérait : de nombreuses familles quittèrent leur Mhanadistan natal pour coloniser les nouveaux pays. Beaucoup prirent la direction du nord où ils fondèrent les villes de Zorgan, El Burum, Baburin. Les tribus des Beni Nurbad et des Al'Hani émigrèrent vers le nord. Les sultans gagnèrent aussi du terrain vers le sud et fondèrent Elem ainsi que les postes frontaliers de Mirham et Al'Anfa. La civilisation tulamide atteignait alors son premier âge d'or et nous pouvons déplorer qu'aussi peu de statues, de poteries, de poèmes et de récits épiques de cette époque nous soient parvenus. Vers –2400, on mentionne pour la 1e fois des flottes de zedrakks, ces bateaux utilisés par les Tulamides. Mais parallèlement à cet âge d'or, les légendes rapportent un changement dans les mœurs : l'Echx, jadis perçu comme l'ennemi héréditaire, était désormais l'incarnation de la puissance. Les maîtres de Khunchom imitèrent ceux de Yash'hualay dans bien des domaines, et il devint très à la mode d'adopter les anciennes traditions echxiques, jusqu'à leur écriture. L'interdiction de se rendre sur l'île de Marustan (auj. Maraskan) demeura mais pour justifier une telle règle, on argua que ce pays était un lieu de sérénité absolue, bien trop agréable pour de simples Humains.
Mais, comme très souvent, l'essor de l'empire réveille la soif de pouvoir chez certains seigneurs. Bientôt des sultanats autonomes sont formés à Elem ou Fasar, et même à Nebachot, on cherchait à suivre sa propre route. Vers le milieu du millénaire, des magiciens, les Mages-Moguls du Gadang, parvenaient au pouvoir à Fasar et soumirent les petits Etats tulamides les uns après les autres. Rapidement, le Gori, l'Oron et Nebachot comptaient parmi leurs vassaux. Les statues des dieux de ces villes étaient amenées enchaînées pour être enfermées dans le temple de Fasar. Enfin, les Mages-Moguls cherchaient également à placer les plaines fertiles du Mhanadi sous leur autorité. Mais le sultan de Khunchom, Sulman, avait également accès aux secrets des arcanes oubliés depuis longtemps et aucun des deux camps ne craignait d'utiliser ses pouvoirs. De –2334 à –2319, la Guerre des Scorpions semait partout la mort et la ruine, des fourmis géantes et d'immenses nuées de sauterelles ravageaient le pays : vers –2325, la "Grande Nuée" transforma le Gori en désert.
Sulman sortit finalement vainqueur de la guerre et soumit l'empire des Mages-Moguls, les murs de Fasar furent rasés et n'ont jamais été reconstruits par la suite. La fière ville de Zhamorrah au confluent du Mhanadi et du Gadang, fut enfouie pour l'éternité dans les gravats et les cendres.
Sulman al-Nassori (le Rénovateur) régnait désormais sur un territoire allant de la Chaîne des Trolls au nord à la Hanfla au sud. Il prit le titre de sultan du Diamant, pour faire référence à un énorme joyau rapporté par Bastrabun au cours d'une de ses campagnes militaires, et qui devint le symbole de l'empire indestructible. L'ancien protocole de la cour de Zze Tha fut officiellement rétabli. Le sultan vivait comme une créature semi-divine dans son palais. Il restait à l'écart du peuple et ne communiquait avec le monde extérieur que par des fonctionnaires de la cour qui pouvaient occasionnellement servir de prêtres pour chanter ses louanges. Le peuple était d'une fidélité obéissante avec les sultans du Diamant et les vénérait. Seules les tribus sauvages du Khom firent exception à cela : ils durent par le passé combattre trop durement les Leviatanim pour se laisser impressionner par de vieux rituels echxiques.
D'après la tradition, une action isolée aurait déclenché la résistance publique : en –2003, le guerrier Mahwad al-Rasul de Mherwed exigea l'abandon du culte du Diamant. Mahwad et ses partisans constituaient une menace sérieuse pour le sultanat. Il fallut une victoire très serrée lors de la bataille de Rashdul en -1995, pour que le régime en place puisse survivre. Les disciples de Mahwad qui ont survécu furent bannis mais trouvèrent un accueil chaleureux chez les tribus nomades du Khom. Mahwad en personne mourut dans une petite oasis.
Les sultans de Khunchom étaient au zénith de leur puissance. En dehors de quelques Gobelins dans la région du Yaquir, ils n'avaient plus d'ennemis et leurs sujets, au nord comme au sud, s'installaient sur de nouvelles terres. Derrière la Chaîne des Trolls, le fidèle empire des Al'Hani vit le jour, et au sud d'Al'Anfa, les Tulamides mirent le pied sur les îles de Souram et Al'Toum. Dans le grand est, loin derrière l'île de Maraskan, de hardis pilotes de zedrakks découvraient une nouvelle terre.
Dans ce contexte et aveuglés par leur orgueil, les Tulamides avaient peine à croire que, par-delà le désert, quelques colons venus de pays lointains, s'étaient installés à l'ouest et avaient commencé à fonder des villes puissantes et somptueuses.
En –1874, une armée de Bosparan expulsa les Gobelins du Haut-Yaquir. Le sultan Mordai ibn Dhuri aperçut les Orlandais et se mit en tête de les attaquer, espérant en tirer facilement quelque rapine. Au lieu de cela, son armée à dos de chameau et ses éléphants de guerre connurent une véritable déroute, la plus cruelle depuis des siècles. Le peuple vécut cette défaite comme un traumatisme.
Alors qu'en –1865, une nouvelle guerre contre l'Empire eut lieu sur la Darpat et conduisit à la perte de la riche ville de Nebachot (rebaptisée Perricum), Mordai se donna la mort lors d'un suicide rituel, comme devront le faire après lui nombre d'autres sultans. Les affrontement avec l'Empire se poursuivaient : en –1859, une nouvelle bataille eut lieu à Anchopal. Seul le sultanat des Al'Hani résista près d'un siècle à l'expansion des "empereurs de la Paix" : en –1804, ils détruisirent la jeune ville de Rommilys et ce n'est qu'en –1695 qu'elle fut reconstruite par ordre de Bosparan.
Les décennies suivantes, le sultanat continua à perdre constamment d'autres territoires. L'empereur Yulag exigea sous la contrainte l'indépendance de l'Oron, ce qui permit à l'émirine Dolopia de se proclamer reine d'Aranie en -1702. En –1634, après s'être montrée très menaçante, l'impératrice Svelinya obtint que la région à l'est des Monts de la Pluie soit évacuée, les habitants des avant-postes abandonnés d'Al'Anfa et Mirham furent rapatriés. Ce n'est qu'assez longtemps après que de nouveaux colons vinrent s'installer ici.
Par ailleurs, sur le plan intérieur, le pouvoir devint de plus en plus dur. De plus en plus d'habitants endettés ou alors de pauvres citoyens se mettaient hors-la-loi en s'abaissant à développer l'esclavage, le train de vie des riches nécessitait alors un nombre important d'esclaves personnels, le plus souvent issus du peuple des Hommes des Bois dans le sud. Nombreux sont ceux qui voient dans ce recours à l'asservissement des Mohas "l'œuvre" la plus pernicieuse du sultanat du Diamant.
Pendant les années sombres, la pression des Orlandais se relâcha. Pourtant des troubles internes empêchèrent les sultans du Diamant de tirer profit des faiblesses de l'Ancien Empire. En effet, le vieux sultan Sheranbil V, qui régna de –1502 à –1408, mourut après un long règne (une fois encore, des rumeurs parlent de curieux rites echxiques grâce auxquels il aurait prolongé sa vie), sa mort surprit tout le monde et conduisit à une longue guerre de succession de plus de cent ans. En entrant à Khunchom en -1301, le sultan Mustafa de Gori s'empara du pouvoir et fonda la dynastie gorienne en -1297. Le sultanat d'Elem profita de cette guerre civile pour acquérir une hégémonie politique. De –1260 à –1178, il conquit les émirats de Mirham et de Thalusa puis s'empara de Mengbilla. Cette hégémonie prit fin brutalement en –1099, quand une étoile tomba du ciel et détruisit Elem.
Parallèlement, de –1400 à –1300, la province impériale du Haut-Yaquir est peu à peu colonisée pacifiquement par des Tulamides. Ces derniers, venus de la steppe du Shadif et du bord des marécages echx, ont quitté leur patrie sous la menace constante de bandes de Marus et d'Echx. Après quelques décennies, les Tulamides formaient la majorité de la population du Haut-Yaquir et le nouveau nom "Al'Mada", qui désigna le nouvel émirat, s'imposa en -1324. Plus tard, Obra-Horas rétablit la souveraineté de Bosparan sur la région mais n'en expulsa pas les nouveaux habitants.
Silem-Horas, à la tête d'une flotte, avait déjà réussi à occuper les villes d'Elem et de Thalusa en -1082, quand son petit-fils, Murak, sonna la charge de l'assaut final contre les restes du sultanat du Diamant. En -1010, il s'était déjà emparé de l'ancienne patrie des Tulamides, le Mhanadistan vallonné et la grande ville de Fasar, quand les troupes impériales firent face à une armée de cavaliers supérieure en nombre sur les bords du Gadang. Très hésitant, le chef de l'armée tulamide, Schaddai al-Schichem, voulut tout d'abord livrer un combat acharné contre les envahisseurs. Les pertes étaient à peu près aussi importantes dans les deux camps quand, dans la confusion la plus totale, il ordonna la retraite alors que la chance aurait pu encore tourner. C'est pourquoi, chez les Tulamides et les Novadis, "Schaddai" est resté une expression injurieuse pour désigner une personne indécise ou qui manque de courage.
Les impériaux sont à peine rentrés dans Rashdul puis Mherwed que la flotte de Bosparan força l'entrée du port de Khunchom. Avec le suicide du dernier sultan Najara ibn Bheraimi et la prise sans combat du palais, prit fin l'empire des Tulamides au terme de près de 2 000 ans d'existence.
Mais il ne resta pas non plus longtemps à vivre au vainqueur : la même année, Murak mourut des suites d'une blessure de lance reçue pendant la bataille du Gadang.
Sous le règne de sa fille, Hela-Horas, commença une période de terreur pour le peuple tulamide. Visiblement l'impératrice voulut lui faire payer la mort de son père. Ainsi elle fit brûler une quantité d'écrits, elle ordonna la destruction d'œuvres d'art et fit exécuter presque toutes les élites, visant ainsi à faire disparaître la tradition.
Si dans tout l'Empire, la population eut à souffrir de cette période, ce fut particulièrement dur et cruel pour les gens vivant sur les bords du Mhanadi ou de la Thalusim. Les anciens dieux furent interdits, bien que le culte des Douze ne fut introduit que très lentement (même avant sa divinisation, Hela n'avait pas besoin de concurrence inutile…)
Pas étonnant donc, si les Tulamides se soulevèrent contre les troupes impériales dès qu'ils apprirent la nouvelle de la bataille de Brig-Lo et se libérèrent de l'oppression bosparanaise dans un combat bref et sanglant.
Une des plus grandes réalisations de Raul de Gareth fut d'avoir obtenu, et cette fois-ci sans avoir eu recours à la guerre ou à la violence, la subordination des Tulamides à l'Empire. Pour les convaincre, il a du faire beaucoup de promesses et notamment celle de respecter les anciennes coutumes des Tulamides. Sous le règne des "empereurs sages", Thalusa, Khunchom et Mherwed ont été intégrées au Nouvel Empire et devinrent de somptueuses villes marchandes et occupèrent une position stratégique entre le nord et le sud.
En même temps, on adapta l'administration à ces nouveaux principes et le margraviat du Mhanadistan ainsi que les duchés de Thalusie et du Balash furent créés. Au nord, la ville marchande d'Anchopal fut intégrée à la nouvelle province d'Aranie. Seul le territoire du Khom fut négligé et laissé sans administration directe, et ce jusqu'à la fondation d'Unau (cette ville de garnison fut fondée en –801 à la place d'un ancien village tulamide).
Sur le plan de la civilisation, la tradition garethaise trouva un terrain fertile : les arts et les sciences se développèrent dans la région et même le culte des Douze s'imposa sans difficulté. Des changements notables se produisirent sous le règne de Gerbald (de –821 à –780) : il mena à bien la colonisation de Maraskan et de nombreux colons d'origine tulamide furent attirés par cette entreprise. Ils venaient y chercher la terre bénie dont on parlait mais y trouvèrent surtout des privations et des ennemis, à commencer par l'immense dragon de Tuzak.
Gerbald abolit également l'esclavage dans tout l'Empire. Son successeur, Menzel, dut cependant faire marche arrière et ferma les yeux sur cette pratique dans les territoires tulamides. A noter qu'en –719, presque toute la tribu des Beni Rurech, persécutée par l'Empire à cause de ses croyances en les jumeaux divins Rur et Gror, s'embarqua à Khunchom pour aller s'installer à Maraskan.
Un siècle plus tard, la politique des théocrates ne fit aucune différence entre le sud-est et le reste de l'Empire. En –595, lors de la 1e "bataille du lac Cichanebi", une armée des théocrates est anéantie par des cavaliers du désert. De même, l'ancienne ville glorieuse de Rashdul se défendit contre le régime théocratique et proclama son indépendance en -593. Grâce à leur ruse et à leur intelligence, les habitants de cette ville ont pu sauver leur liberté et être ainsi les premiers en Aventurie à se débarrasser du joug des théocrates.
Comme pour laver cet affront, Gareth chercha à soumettre définitivement le Khom. Mais les nomades du désert résistèrent victorieusement au culte de Praios : ils écrasèrent en –538 une armée qui, partie de Mherwed, progressait dans le désert. A cette occasion, la théocrate Amelthona fut tuée. A Gareth, les prêtres prétendirent qu'elle fut enlevée par Praios en personne pour expliquer sa disparition dans le Khom. Par la suite, ils ne tentaient plus de porter atteinte aux vieilles coutumes des fils du désert.
Abordons rapidement le temps qui reste avant l'apparition de Rastullah. Les villes côtières de Khunchom et Thalusa attiraient de plus en plus de migrants venus des pays du Milieu. En maints lieux, la civilisation des Tulamides tombait quasiment dans l'oubli. Pendant les "guerres des mages", Borbarad rassembla une importante troupe de partisans autour de lui mais fut finalement battu et sa "résidence" dans le désert du Gori fut détruite. Plus tard vers –333, dans le sud, des Mohas conduits par Manaq se révoltèrent contre les marchands d'esclaves alanfanais et tulamides.
Alors que l'insignifiant empereur Eslam V "régnait" à Gareth, un événement d'une immense portée se produisit dans la petite oasis de Keft : le 23-V (23 Boron) de l'an –233, un nuage en forme de tente descendit du ciel, une forme lumineuse, d'une force et d'une beauté inconcevables, en sortit et s'adressa aux témoins de la scène, attentifs et respectueux. L'apparition leur révéla qu'eux, les Beni Novad, avaient été chosis pour être les élus de leur dieu Rastullah.
Encouragés par cette apparition divine, les Beni Novad commencèrent à convertir les autres fils du désert, par la parole ou le sabre. Au bout d'un an, les oasis voisines de Shebah, Birscha et Al'Rifat furent aux mains des Novadis. L'année suivante, les cavaliers de Keft parvenaient jusqu'aux régions limitrophes du désert. La cour de Gareth, devenue très prudente, reconnut alors officiellement l'indépendance du Khom en -230. A Unau, la "Légion du désert" put cependant empêcher une trop forte progression des Novadis.
La décennie suivante, de graves dissensions internes apparurent chez les Novadis à propos du sort à réserver aux tribus soumises. Dans un premier temps, la tendance fut à la répression contre tous ceux qui étaient étrangers à la tribu. Le "Conseil des Gardiens de la Parole", composé de neuf membres issus des plus vieilles familles des Beni Novad, expliqua l'échec de l'attaque contre Neetha en -226 par l'infidélité des troupes auxiliaires. L'opposant politique, Malkillah ibn Hairadan, un fervent partisan de l'égalité entre tous les croyants, fut envoyé en semi-exil dans un poste frontalier de l'oasis de Manesh.
Alors que ses adversaires s'attendaient à ce qu'il tombe dans l'oubli dans ce lieu reculé, le charismatique Malkillah rassembla autour de lui de nombreux guerriers des Beni Novad et d'autres tribus et commença une grande campagne militaire en descendant la Szinto (de –222 à –219). Quand la ville de Selem tomba aux mains des Novadis, le jeune empereur Bodar décida de frapper un grand coup pour contrer la nouvelle menace. Il envoya des troupes impériales de la forteresse d'Unau pour aller occuper la capitale spirituelle des Novadis. Suite à de longues opérations, la prise de Keft fut un succès. Les Novadis réussirent seulement à conserver le lieu de la Révélation au prix de lourdes pertes. Les neuf "Gardiens de la Parole" furent exécutés en public.
Quand Malkillah apprit la nouvelle, il dirigea ses troupes vers Unau. Après une marche forcée, qui les conduisit à longer la limite des marécages echx, lui et ses partisans atteignirent la ville dont ils détruisirent la garnison qu'il ne connaissait que trop bien (avant sa conversion, Malkillah était capitaine de la cavalerie impériale). Les impériaux, revenus d'urgence de Keft, furent pris en tenailles par les Novadis. La seconde bataille du lac Cichanebi de –218 fut pour l'Empire un désastre encore plus grand que la première.
Après cette victoire, Malkillah fut le dirigeant incontesté de tous les croyants. Il prit le titre de calife, maître de tous les nomades du désert, et mit un terme aux vieilles querelles. Au cours d'une cérémonie grandiose devant les portes de son nouveau palais d'Unau, il s'acquitta de son ancienne promesse et accueillit toutes les tribus qui l'ont soutenu au sein du peuple des Novadis.
Les successeurs de Malkillah cherchèrent par la force d'ajouter d'autres régions à leurs territoires, pour la gloire de Rastullah. Il leur fallut surtout consolider un Etat jeune, encore instable à cause des grandes différences qui pouvaient exister entre des nomades turbulents, des riziculteurs sédentaires et des marchands rusés. Principalement les califes Omar puis Mukkarib ont bien mérité de la législation supplémentaire des 99 lois divines. De –198 à –193, les Ferkinas qui vivaient au bord de l'Erkin et dans l'ouest des monts Khoram furent soumis.
Les défaillances croissantes de l'Empire se firent remarquer si bien que rien n'a pu s'opposer à la progression constante des Novadis, progression qui prit parfois la forme de tranquilles migrations. Les califes, qui dans un premier temps se refusèrent à courir le risque d'une nouvelle grande guerre de succession, usèrent cependant de leurs forces dans des querelles de pouvoir. Ainsi en –174, le calife Sahir-Ilram se donna la mort quand les troupes de son frère révolté et successeur Abu Marwan prirent possession du palais d'Unau. L'usurpateur n'a cependant pas pu profiter longtemps de sa victoire : l'année suivante, il fut renversé et assassiné par son cousin Yerdawan al-Nadab qui lui aussi ne mourut pas de manière naturelle.
Ces luttes internes prirent fin en –100 quand le vieux calife Haschabnah fut "remplacé" par son grand vizir Rafim al-Maugir. Le sage politicien sentait l'impatience croître chez les jeunes Novadis et après la prise de la vieille ville glorieuse de Mherwed en -134, Haschabnah préféra renoncer au pouvoir.
Rafim prit le nom de règne de Malkillah II et mit en place une cavalerie lourde qu'il composa d'anciens lanceurs de javelots à cheval. Alors qu'en –91, les troubles de la guerre de succession secouaient l'Empire, il conquit après plusieurs batailles de –72 à –67 le sud de la province d'Almada jusqu'au Yaquir, ce qui forme l'actuel émirat d'Amhallassih. Après cette victoire, il renonça à s'immiscer davantage dans la guerre civile, le soutien au contre-empereur de Punin resta sans suite. Il prit ensuite pour cible les riches cités du Mhanadi qu'il attaqua à plusieurs reprises. Finalement le fier Novadi fut séduit par une noble de Mherwed. Bien que déjà âgé, il la prit en mariage et en fit son épouse principale. A noter qu'entre –65 et –54, une guerre de religion à propos de la 16e loi éclata entre la tribu des Beni Avad et leurs voisins.
Le fils de Malkillah II, Chamallah, chercha à imiter son père et choisit l'ouest comme cible pour ses futures conquêtes. Cependant sa première attaque contre Fertilia, mal préparée, fut un échec. Certes le jeune calife réussit à mener ses cavaliers du Khom jusqu'à Methumis mais en –34, lors de la bataille d'Olbris, l'assaut échoua, les fers de lance des piquiers de Vinsalt formèrent un mur infranchissable. Le maître des Novadis renonça à mener de nouvelles attaques suicidaires et se tourna vers Neetha et Drôl. Au début de l'année –32, il réussit à avancer jusque Chorhop. Il conserva la ville sous son autorité quelques années et y fonda une colonie novadie. En –27, il s'allia avec le clan local des Zeforikas puis, dans le cadre d'une appartenance nominale au califat, leur confia le pouvoir sur la ville avant de retourner précipitamment chez lui. Ce n'était pas trop tôt : à Unau, sa capitale mal-aimée, il vint en –26 à bout d'une révolte fomentée par son oncle et quelques courtisans. Sur le coup de la colère, il céda la ville à son jeune frère Rusaimi puis se retira dans sa ville natale de Mherwed qu'il éleva alors au rang de capitale en –25.
Pour poursuivre la tradition familiale, son fils unique et successeur, Abu Dhelrumun, chercha à mener une politique de conquêtes, mais sans succès. Alors qu'il préparait la conquête de l'Aranie (indépendante tout comme Khunchom depuis l'an 2), il frôla même le ridicule en se laissant berner par son partenaire de négociations, le sultan Hasrabal de Gori : les négociateurs du sultan enlevèrent l'enfant unique du calife, la belle Nedime, et il fallut un Infidèle pour la libérer.
La fin du malchanceux fut également triste et funeste. Après la débâcle de l'affaire aranienne, Abu Dhelrumun se tourna vers la mer et chercha à développer une flotte puissante. Cela revenait en partie à utiliser Selem comme port de guerre et à employer les bateaux pirates d'El Harkir. Mais ce faisant, il négligea les intérêts d'Al'Anfa… Ainsi le calife fut très surpris par l'invasion des troupes de Tar Honak en l'an 15 : Selem tomba immédiatement dans les mains d'Al'Anfa, l'armée novadie fut dispersée lors de la bataille de la Szinto et Unau, presque vide, fut capturée rapidement par les Boronis.
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